Jeux vidéo et Réseaux Sociaux: la Dépendance Programmée ?
Elles étaient quatre expertes en cyberdépendance mercredi 21 octobre 2020 à échanger avec Caroline Isautier et une soixantaine de personnes connectées au eSalon organisé par Tech for Good Canada sur la cyberdépendance en Ontario et au Québec.
Le public et les expertes avaient été encouragés à regarder The Social Dilemma avant la discussion. Ce documentaire sorti en septembre 2020 sur Netflix met en scène d’anciens salariés de Google, Facebook, Instagram et YouTube devenus lanceurs d’alerte sur le caractère addictif intégré à la conception même de ces outils et médias.
Voici quelques points issus de cette discussion, disponible dans son intégralité et en résumé vidéo sur la chaîne YouTube bilingue de Tech for Good Canada. Vous verrez ici une liste de ressources utiles pour prévenir et traiter la cyberdépendance en Ontario et au Québec.
Calex Legal utilise l’Arme Juridique contre la Dépendance Programmée au Québec
Alessandra Esposito-Chartrand, avocate chez Calex Legal à Montréal, explique les tenants de l’action collective déposée au nom de deux parents aux enfants hautement dépendants au jeu Fortnite. L’action argue qu’il y a eu manquement au droit québecois de divulguer tous les risques inhérents à un produit commercialisé. Dans la mesure où des algorithmes ont été développés par des experts, qu’il y a une manipulation du cerveau, et que dans la communauté scientifique, on reconnait l’existence du trouble du jeu vidéo depuis 2018, Epic Games est en tort.
En terme d’étapes, une action collective doit d’abord être autorisée. Cela se saura en janvier ou mai 2020 lorsqu’un juge acceptera l’action ou pas. Au total, c’est un processus qui prendra plusieurs années.
L’action collective au Québec ne requiert pas de regrouper dés le départ un groupe donné de personnes concernées. Il suffit de désigner le public concerné, ici, tous les joueurs de Fortnite devenus dépendants. Libre à certain.e.s de se soustraire de l’action s’ils/elles pensent avoir un préjudice supérieur.
Leur action désigne de plus un sous-groupe: les mineurs de moins de 13 ans ayant fait des achats intégrés dans le jeu. Car au Québec, la publicité aux moins de 13 ans est interdite. Fortnite, comme énormément de jeux vidéo aujourd’hui, exploite un modèle “freemium”: gratuit pour jouer mais proposant ensuite des achats dans le jeu (habits et autres accessoires notamment). Une façon cachée de proposer à l’achat des produits aux très jeunes en somme — en contravention totale des lois existantes.
Alessandra Esposito-Chartrand explique que la seule autre action contre Epic Games à sa connaissance est menée en Californie. Celle-ci argue que les mineurs n’ont pas accès à un remboursement de leur achat dans le jeu, contrairement à ce que stipulent les lois californiennes, et mettent également l’accent sur le caractère addictif non explicité du jeu.
L’Industrie du Jeu Vidéo noie t-elle le Message sur l’Aspect Addictif comme celle du Tabac et du Pétrole auparavant?
On a vu dans le cas du réchauffement climatique qu’un lobbying des grosses sociétés pétrolières comme Standard Oil a été mis en oeuvre pour semer le doute sur l’origine du réchauffement. Malgré les données scientifiques connues dès les années 1990, le public a douté jusqu’à ce jour sur l’origine de ce réchauffement: humaine ou naturelle?
Selon Alessandra Esposito-Chartrand, on assiste au même type de campagne de désinformation dans l’industrie du jeu vidéo. Elle constate un lobbying intense pour mettre en avant l’aspect positif du jeu vidéo sans parler des aspects négatifs et en niant ses aspects intentionnellement addictifs.
Le Professeur Magali Dufour de l’UQAM, docteur en psychologie aujourd’hui orientée vers la cyberdépendance, renchérit:
L’industrie, selon elle, a poussé pour que dans les esprits, le jeu vidéo soit de la responsabilité de l’individu ou des parents. Or, ajoute t-elle, on a besoin de la société pour donner une structure qui protège les plus vulnérables.
La psychologue à l’origine de Fortnite a dit « ils n’ont qu’à ne pas jouer »! Même les anciens de Facebook et autres, qui ont créé le bouton “ Like” et autres mécanismes addictif, disent: « Je suis obligé de laisser mon téléphone dans la voiture”. C’est quand cette envie est trop irrésistible que l’on parle de “dépendance”.
A t-on un Droit Citoyen d’être Protégés contre l’Aspect Addictif des Loisirs Numériques?
Parmi le public, Antoine Maréchal, de l’organisme Satelitte cité en ressource ci-dessus, pose la question : “Y a t-il un recours des citoyens contre cet aspect addictif” ?
Il s’avère que non aujourd’hui. Caroline Isautier souligne les actions de régulation du jeu vidéo ( couvre feu et limitation à 1h30 par jour) prises il y a quelques années en Chine et en Corée du Sud, où la pratique parmi les jeunes est encore plus galopante que chez nous — ou en tous cas plus surveillée par le pouvoir.
La Loi est-elle en Retard en matière de Jeu Vidéo?
Antoine Maréchal ajoute: “Les lois sont-elles adaptées “?
On pourrait faire mieux! Les actions de groupe comme celle de Calex Legal sont là pour éveiller les consciences du public et de leurs élu(e)s, mais au Canada, peu de représentants politiques portent la voix de la protection contre la dépendance programmée.
Caroline Isautier souligne que le ministre de la santé du Québec, le docteur Lionel Carmant, avait lancé un Forum sur les Ecrans en février 2020, qui n’a pas eu de suites réelles avec la pandémie du Covid-19.
Magali Dufour explique que les normes sociales doivent évoluer pour que le droit évolue. Elle cite deux exemples d’actions récentes en France: l’une pour
le droit à la déconnexion (au travail), l’autre contre les “loot boxes”, ces boîtes à surprise des jeux vidéo qui étaient associées à du jeu d’argent.
La Réponse Entreprenariale de Vival Offline
Laurie Michel, fondatrice de Vivala Offline,
Pour tout savoir des échanges durant cette heure trente, vous pouvez les visionner par vidéo, en version complète, résumée et par capsules d’expertes sur la chaîne YouTube de Tech for Good Canada.