Les Etats-Unis, la France et le Québec vont-ils enfin réguler réseaux sociaux et jeux vidéo, comme la Chine, l’Angleterre et la Californie ?

par | Sep 16, 2024

Alors que nous avons relevé dans le passé les nombreux projets de lois et lois à travers le monde visant à protéger les enfants du far ouest qu’est le monde en ligne aujourd’hui, seules l’Angleterre et la Californie ont passé des ” Children’s Code ” ou ” Age Appropriate Design Code”. La Chine, elle, est déjà intervenue de façon réglementaire pour protéger sa jeunesse de la cyberdépendance aux jeux vidéo.

Passons en revue les tentatives actuelles aux Etats-Unis, en France et au Québec de réguler l’usage des réseaux sociaux et jeux vidéo face aux lobbys du numérique.

La Chine a réduit l’accès aux jeux vidéo aux mineurs à 3 heures par semaine depuis 2021:

Les moins de 18 ans en Chine ne peuvent jouer qu’une heure par jour aux jeux en ligne et seulement les vendredi, samedi et dimanche depuis août 2021. Au total, cela équivaut à trois heures maximum par semaine.

Le phénomène d’addiction aux jeux vidéo est décrié depuis longtemps en Chine pour ses conséquences négatives : baisse de la vision, impact sur les résultats scolaires, manque d’activité physique ou risque d’addiction.

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La réglementation interdisait déjà aux mineurs depuis 2019 de jouer en ligne entre 22 h et 8 h.

Les mineurs ne pourront par ailleurs jouer “qu’entre 20 h et 21 h”, précise le texte.  Pendant les vacances scolaires, ils pourront jouer une heure par jour.

Pour empêcher les mineurs de contourner l’interdiction, ces derniers devront se connecter avec une pièce d’identité. Elle ne s’applique a priori qu’aux jeux vidéo en ligne et pas à ceux ne nécessitant pas d’accès à internet.

Aux Etats-Unis, le projet de loi KOSA ( Kids Online Safety Act) passe le Sénat en Juillet 2024, pas la Chambre:

Le projet de loi KOSA bipartisan visant à réguler à minima les plateformes comme TikTok et Instagram tente de se frayer un chemin vers un vote à la Chambre des Députés depuis 2022. Mais les efforts des deux sénateurs à l’origine de la loi en projet ont été douchés par l’argumentaire habituel: limiter l’expression en ligne, même pour protéger l’enfance, est anti constitutionnel!

Ce projet est donc coincé au Sénat et pour l’instant, n’a pas de date d’introduction à la Chambre américaine. The Verge en parle en détail ici en anglais.

Rappellons que le médecin en chef américain le Dr Vivek Murthy s’est fendu en juin 2024 d’une deuxième déclaration en deux ans sur la nécessité absolue d’indiquer un avertissement sur l’impact en matière de santé mentale des médias sociaux. Il n’a pas le pouvoir de passer cette mesure seul et invite le congrès américain à agir.

Le New York Times relaie son appel à un label d’avertissement similaire à celui du tabac et de l’alcool ici, en anglais.

Les américains sont concentrés sur ces usages en ligne par opposition à celui des jeux vidéo grâce au film The Social Dilemma, sorti en septembre 2020. Nous avions organisé des séances de visionnage du film au cours des années qui ont suivi sa sortie.

En France et au Québec, on parle plutôt d'” usage des écrans ” que des réseaux sociaux ou jeux vidéo, une terminologie troublante tant l’usage d’un écran va bien au delà de ces deux médias numériques.

Un Rapport d’avril 2024 d’un Comité Scientifique en France est sans équivoque sur le Besoin de Réglementer l’accès aux Réseaux Sociaux:

Remis le 30 avril 2024 au président Emmanuel Macron, le rapport constate « un consensus très net sur les effets négatifs des écrans » sur le sommeil, la sédentarité, et évalue l’impact des réseaux sociaux. Les experts recommandent de ne pas exposer les enfants de moins de 3 ans, d’attendre 11 ans pour un téléphone portable et 13 ans pour un smartphone avec accès à Internet.

Dans ce rapport de 142 pages, intitulé « A la recherche du temps perdu », les dix spécialistes ont passé en revue la littérature scientifique, réalisé une centaine d’auditions d’experts et de praticiens, rencontré cent cinquante jeunes. S’ils rappellent en préambule « les avantages de ces outils, capables d’émanciper les enfants, leur permettant d’accéder plus facilement à la connaissance », ils s’inquiètent et préviennent d’emblée : « On doit assumer un discours de vérité pour décrire la réalité de l’hyperconnexion subie des enfants et des conséquences pour leur santé, leur développement, leur avenir, pour notre avenir aussi… »

Malheureusement, malgré les intentions affichées, ce rapport n’a pas été suivi d’effet par le gouvernement à date.

Le Québec lance lui une Commission Parlementaire sur l’Impact des Ecrans sur les Jeunes en Septembre 2024

Le parlement du Québec décide lui aussi d’interroger des experts sur l’impact potentiellement nocif des écrans via une commission parlementaire en ce mois de septembre 2024.

La Commission spéciale sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le développement des jeunes (CSESJ) va mener des consultations et auditions sur l’impact santé des écrans de loisir sur les enfants jusqu’au 26 septembre puis rendre un rapport au plus tard en mai 2025.

Les 12 membres de la Commission entendront près d’une quarantaine d’organisations et de spécialistes québécois, canadiens et internationaux. Ceux-ci sont entre autres issus des domaines de l’éducation, de la santé et des services sociaux, de la sécurité publique, du droit et du numérique.

La commission ne nomme pas les spécialistes interrogés et appelle à des soumissions de parties concernées ou expertes.

Une Stratégie Québecoise d’Utilisation des Ecrans Oubliée ?

Nous constatons que cet effort fait suite à un long travail d’analyse scientifique effectué en 2021 sous la direction du ministre de la santé québecois Lionel Carmant et auquel avait contribué le Pr. Véronique Bohbot, membre de notre comité scientifique.

Les conclusions de ce travail avaient même abouti à une Stratégie sur l’Utilisation des Ecrans et la Santé des Jeunes au Québec, disponible ici.

Sans surprise, il s’agit, dans la droite ligne de efforts de Tech for Good Canada, d’informer sur les impacts négatifs d’un usage non contrôlé des écrans, et de former à la fois jeunes et personnel éducatif et traitant.

Quelques éléments précis de cette Stratégie Québecoise de l’Utilisation saine des écrans par les Jeunes:

  • Améliorer ou rendre disponibles des infrastructures polyvalentes et adaptées en plus de proposer une vaste gamme d’activités sans écrans, qui permettront de favoriser la pratique d’activités physiques, sportives, culturelles et sociales chez les jeunes

  • Encadrer l’utilisation des écrans dans les milieux de vie, en visant l’atteinte
    d’un équilibre numérique

  • Intégrer des contenus portant sur l’utilisation des écrans aux outils d’information largement consultés par les parents et faire connaître ces contenus aux intervenants des différents milieux de vie.

  • Planifier, à l’intention des jeunes, une stratégie d’information et de sensibilisation portant sur l’utilisation saine et constructive des écrans.

  • Intégrer, dans les directives ministérielles en matière d’utilisation des écrans, l’ensemble des paramètres associés à la santé (connus à ce jour), selon les différents usages possibles.

  • En collaboration avec les jeunes et les autorités des milieux que fréquentent ces jeunes, développer et soutenir l’offre en matière de formation des intervenants au regard de l’utilisation des écrans.

Alors, je prends les paris: qui, aux Etats-Unis, en France ou au Québec va réussir à combattre les lobbys du numérique pour protéger la santé mentale des enfants et notre société par la même occasion ?

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