Partout à travers le monde, les gouvernements tentent de passer des lois pour protéger les jeunes, à la fois enfants et adolescents, sur Internet, les applications et jeux numériques. Nous l’évoquons dans nos conférences/ateliers pour parents connectés et dans nos ateliers en citoyenneté numérique pour élèves, les jeux vidéo, réseaux sociaux, sites et applications qui peuplent l’univers culturel des enfants et adolescents depuis 25 ans n’ont en effet pas été pensés pour les protéger. Bien au contraire, ces médias numériques et outils de communication ont été pensés par des sociétés du numérique, sans spécialiste de la protection de l’enfance.
Voici en 2022 un inventaire des actions passées ou en cours à travers le monde des lois et projets de loi sur la protection de l’enfance sur Internet par ordre chronologique:
- en France : loi de 2018 et projet de loi en 2022,
- en Angleterre : loi de 2021
- aux Etats-Unis: projets de loi en 2021
- en Californie: loi de 2022
- et au Canada: projet de loi en 2021
Bien que partie en tête, la France a été dépassée par la Grande Bretagne, qui a vraiment montré la voie dans la régulation d’Internet, des jeux et applications et des réseaux sociaux pour les jeunes, par rapport à l’Amérique du Nord, suivie, malgré tout, en 2022, par la Californie.
Février 2018: Loi sur la Majorité numérique à 15 ans en France
Loi française sur la majorité numérique à 15 ans
En France, on considérera désormais qu’un adolescent de 15 ans est propriétaire de ses données et de son image. En dessous et jusqu’à l’âge de 13 ans pour s’inscrire sur Snapchat, Instagram, ou encore Twitter, il faudra un double consentement : celui de l’enfant et de ses tuteurs. Les informations sur l’utilisation de ces données seront rédigées en des termes compréhensibles pour l’enfant. Ce sera obligatoire. En revanche, en ce qui concerne les enfants âgés de moins de 13 ans, il s’agira d’une interdiction pure et dure .
La version initiale du projet de loi français prévoyait 16 ans, l’âge recommandé par la Commission Européenne. Mais fixer cette majorité à 15 ans correspond à “une volonté d’harmonisation de la loi française” explique Paula Forteza, la députée En Marche, rapporteure du texte. L’âge de la majorité sexuelle est fixé à 15 ans, âge également où les données de santé d’un mineur peuvent être prises en compte par les sondages.
Cette loi est-elle appliquée aujourd’hui? Rien n’est moins sûr.
Septembre 2021: Loi de protection de l’enfance en ligne au Royaume Uni
Le UK Children’s Code ou Age-Appropriate Design Code est la première loi au monde à promouvoir une conception des outils numériques adaptée à l’enfant. Par opposition, les lois européennes comme le DSA et DMA visent à protéger enfants et adultes dans le monde numérique, et sont dès lors moins spécifiquement protectrices de l’enfance.
Cette loi anglaise de protection de l’enfance en ligne est l’œuvre de la baronne Beeban Kidron, une cinéaste britannique et Lord devenue défenseure des droits de l’enfance en ligne. Elle a fondé la 5Rights Foundation en 2013 afin de créer un univers numérique sûr et positif pour les enfants.
Voici quelques-uns des principes de base de cette loi anglaise de 2021:
- Intérêt supérieur de l’enfant : les services utilisés par les enfants doivent être conçus en tenant compte de leur intérêt supérieur, plutôt que de maximiser les profits des entreprises.
- Application adaptée à l’âge : les entreprises doivent évaluer si le contenu des services en ligne est approprié pour les enfants de différents âges.
- Transparence des règles d’usage : Les informations relatives à la vie privée doivent être compréhensibles par un enfant.
- Utilisation non préjudiciable des données : Les données collectées ne doivent pas être préjudiciables au bien-être des enfants.
- Respect des politiques et directives publiées : Les entreprises doivent respecter les politiques et règles d’usage qu’elles ont publiées.
- Géolocalisation désactivée : Elle doit être désactivée par défaut pour les enfants.
- Paramètres de confidentialité au maximum: Par défaut, ils doivent être au niveau le plus élevé pour les enfants.
- Minimisation des données : Appliquez le principe du RGPD qui consiste à ne demander que les données nécessaires au fonctionnement du service proposé, pas plus.
Cas de Violations des Droits en Ligne des Enfants :
La fondation 5Rights a indiqué dans une lettre adressée à l’ICO britannique ( Information Commissioner’s Office) en novembre 2021 avoir constaté pas moins de douze violations de la loi de l’enfance en ligne ( UK Children’s Code). Ces infractions, que je connais bien, sont les suivantes :
- Vérification insuffisante de l’âge, c’est-à-dire que l’âge n’est pas vraiment vérifié pour accéder à un service
- Non-application des directives de la communauté
- Annonce erronée de l’âge approprié dans les magasins d’applications
- Utilisation de design trompeur
- Pressions financières inadaptées à l’âge
- Faible niveau des paramètres de confidentialité par défaut
- Partage inadéquat des données des enfants avec des tiers
- Conditions d’utilisation non compréhensibles par des enfants
- Insuffisance des outils permettant aux enfants d’exercer leurs droits en matière de données appareils connectés non protégés
Traduit avec l’aide de www.DeepL.com/Translator de notre article correspondant en anglais ici.
Novembre 2021: La Fondation 5Rights et IEEE lancent un standard pour le design numérique pour enfants:
IEEE SA and 5Rights launch digital services for children standard
Février 2022: Proposition de loi fédérale américaine sur la protection de l’enfance en ligne
Les sénateurs américains Richard Blumenthal (Démocrate-CT) et Marsha Blackburn (Républicaine-TN), président et membre principal de la sous-commission du commerce, des sciences et des transports du Sénat chargée de la protection des consommateurs, de la sécurité des produits et des données, ont présenté en février 2022 le Kids Online Safety Act, une loi bipartisane complète visant à renforcer la sécurité des enfants en ligne.
Cette proposition de loi fait suite à des audiences retentissantes au Sénat américain de TikTok, SnapChat et YouTube sur leur absence de protection des jeunes en Octobre 2021.
“Cette mesure fait de la sécurité des enfants une priorité sur Internet”, a déclaré M. Blumenthal. les géants du numérique a effrontément laissé tomber les enfants et trahi leur confiance, en faisant passer les profits avant la sécurité. Je garde en mémoire – et c’est ce qui motive ma passion – d’innombrables histoires poignantes du Connecticut et de tout le pays sur des pertes déchirantes, des trous de lapin émotionnels destructeurs et des lieux sombres de dépendance qui sévissent sur les médias sociaux.
La loi sur la sécurité des enfants en ligne donnerait enfin aux enfants et à leurs parents les outils et les garanties dont ils ont besoin pour se protéger des contenus toxiques, et obligerait Big Tech à rendre des comptes sur les algorithmes profondément dangereux. Les algorithmes guidés par les yeux et les dollars n’auront plus d’emprise. Je me battrai pour une adoption rapide aux côtés du sénateur Blackburn, mon partenaire dans cet effort.”
“La protection de nos enfants et adolescents en ligne est d’une importance critique, en particulier depuis que le COVID a augmenté notre dépendance à la technologie”, a déclaré Blackburn. “Lors des audiences de l’année dernière, le sénateur Blumenthal et moi-même avons entendu d’innombrables histoires de dommages physiques et émotionnels affectant les jeunes utilisateurs, et la réticence de Big Tech à changer. La loi sur la sécurité des enfants en ligne s’attaquera à ces préjudices en établissant des directives de sécurité nécessaires que les plateformes en ligne devront suivre, qui exigeront la transparence et donneront aux parents une plus grande tranquillité d’esprit.”
Traduit avec l’aide de www.DeepL.com/Translator:
Blumenthal/Blackburn proposed Kids online safety legislation
Malheureusement, comme les projets de lois ci-après au Canada et en France, la loi en est toujours au stade de projet plus de quatre mois après.
Mars 2022: Le Président Biden accuse les Médias Sociaux de mettre en danger la santé mentale des jeunes américains
Extrait du discours State of the Union de Biden, le 1er mars 2022, sur son souhait d’empêcher les médias sociaux de nuire au bien-être psychique des enfants et ados américains.
Août 2022: Loi Californienne sur la protection de l’enfance en ligne ( AADC)
Août 2022: Le “California Age Appropriate Design Code (AADC) ” , largement inspiré par le UK Children’s Code présenté ci-dessus, est votée.
Comme la loi anglaise, cette loi de protection de l’enfance en ligne californienne considère qu’un enfant est une personne de moins de 18 ans ( et non de 13 ans, comme la loi fédérale en vigueur actuellement). Elle oblige les entreprises à donner la priorité à la sécurité et à la vie privée des enfants dans la conception de tout produit ou service numérique auquel les enfants californiens sont susceptibles d’accéder.
- Elle limite la collecte de données et le profilage des enfants d’une manière qui leur serait préjudiciable. Cela réduira le risque de contenu préjudiciable et de rencontres à risque pour les enfants californiens.
- Elle impose des paramètres de confidentialité élevés par défaut et la désactivation de la géolocalisation pour les enfants, ainsi que d’interdire l’utilisation de techniques d’incitation à affaiblir la protection de leur vie privée.
- De façon très pragmatique, elle ne s’appliquera qu’aux géants du numérique. Il faudra être une structure à but lucratif qui , 1) soit a un revenu annuel de plus de $25 million 2) soit achète ou vend l’ information de plus de 100,000 utilisateurs ou 3) soit génère au moins 50% de ses revenus annuels via la vente de données personnelles.
- Elle entrera en vigueur en juillet 2024. Entre temps, un organisme entrera dans les détails des mesures à mettre en oeuvre par les éditeurs de médias numériques concernés.
- Les pénalités en cas de non conformité seront de $ 7 500 par enfant touché.
Novembre 2021: Projet de Loi Canadien sur l’Accès à la P*rnographie par les jeunes
Projet de loi de la sénatrice Julie Miville-Dechêne limitant l’accès en ligne des jeunes au matériel sexuellement explicite
Ce projet est malheureusement à l’arrêt à ce jour.
Extraits du PROJET DE LOI S-210 limitant l’accès en ligne des jeunes au matériel sexuellement explicite
Le texte érige en infraction le fait pour des organisations de rendre accessible aux jeunes du matériel sexuellement explicite sur Internet. Le texte permet aussi à un agent de l’autorité désigné d’agir afin d’empêcher que du matériel sexuellement explicite soit rendu accessible aux jeunes sur Internet au Canada.
Infraction
Rendre accessible à un jeune du matériel sexuellement explicite
5 Toute organisation qui rend accessible à un jeune du matériel sexuellement explicite sur Internet à des fins commerciales est coupable d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et passible :
- a) pour une première infraction, d’une amende maximale de 250 000 $;
- b) en cas de récidive, d’une amende maximale de 500 000 $.
Défense — vérification de l’âge
6 (1) Le fait pour l’organisation de croire que le jeune visé à l’article 5 était âgé d’au moins dix-huit ans ne constitue un moyen de défense contre une accusation fondée sur cet article que si elle a mis en place un mécanisme de vérification de l’âge prévu par règlement afin de limiter à des individus âgés d’au moins dix-huit ans l’accès au matériel sexuellement explicite rendu accessible à des fins commerciales.
Défense — but légitime
(2) Nulle organisation ne peut être déclarée coupable d’une infraction prévue à l’article 5 si les actes qui constitueraient l’infraction ont un but légitime lié à la science, à la médecine, à l’éducation ou aux arts.
Défense — respect de l’avis
(3) Nulle organisation ne peut être déclarée coupable d’une infraction prévue à l’article 5 si, relativement aux actes qui constitueraient l’infraction, l’organisation a reçu un avis au titre de l’article 8 et a pris les mesures visées à l’alinéa 8(2)c) dans le délai prescrit à l’alinéa 8(2)d).
Avis de non-conformité
Désignation
7 Le gouverneur en conseil peut, sur la recommandation du ministre, désigner un organisme ou un service de l’administration fédérale à titre d’agent de l’autorité pour l’application des articles 8 et 9.
Débats sur le projet de loi Canadien limitant l’accès à la p*rnographie par les jeunes
Février 2022: Proposition de Loi en France contre la Surexposition aux Ecrans:
La présente proposition de loi consacre ainsi la mise en place d’une politique publique de prévention des risques liés aux écrans numériques pour la jeunesse, via l’insertion d’un chapitre dédié dans le code de la santé publique, aux côtés de la lutte contre les dépendances telles que le tabagisme ou l’alcoolisme.
- Le projet de loi prévoit l’établissement d’une plateforme numérique d’information à destination des parents. Il prévoit par ailleurs le développement d’outils de mesure adaptés, destinés à mieux apprécier les risques induits par l’exposition des enfants aux écrans.
Une politique de prévention repose, en grande partie, sur les professionnels en contact avec les enfants.
- Le projet de loi français prévoit ainsi d’intégrer dans la formation des professionnels de santé et du secteur médico‑social, mais aussi celle des professionnels de la petite enfance, des modules spécifiques sur les risques liés aux écrans numériques pour le jeune public. Il s’agit ici de les sensibiliser sur ce thème et de les placer en position de nouer un dialogue avec les parents.
- Il impose l’ajout de mentions spéciales sur les emballages d’ordinateurs, de tablettes et de téléphones portables afin d’informer les consommateurs des dangers liés à la surexposition aux écrans. De plus, il met en place des messages de prévention dans l’ensemble des messages publicitaires portant sur ces produits.
- Il entend enfin limiter l’utilisation des téléphones, tablettes et ordinateurs portables et assimilés au sein des structures de la petite enfance et des écoles maternelles et primaires, en imposant à ces établissements de prévoir à cet effet des règles restrictives qui concernent les professionnels d’encadrement.
- Il prévoit d’insérer des recommandations touchant à la bonne utilisation des écrans pour le jeune public dans le carnet de grossesse, document bénéficiant d’une large diffusion auprès des jeunes parents.
- Il intègre la politique de prévention des risques liés aux écrans au nombre des missions dévolues au président du Conseil départemental dans son rôle de protection maternelle et infantile.
- Il accorde un rôle central aux commissions départementales d’accueil des jeunes enfants, afin de recueillir et de diffuser les messages de prévention des risques liés à la surexposition aux écrans, à destination des professionnels de la petite enfance mais aussi des parents.
- Enfin, il accorde au projet éducatif territorial un rôle explicite dans la prévention de la surexposition des élèves aux écrans lors du temps périscolaire.
En attendant que les élu(e)s et la loi ne rattrapent les géants du numérique, protégez-vous et vos enfants en organisant une conférence/ atelier pour parents connectés, et apprendre à départager le bon du mauvais numérique à la maison.