Fortnite n’a peut-être pas été conçu avec l’intention délibérée de créer une dépendance, mais c’est bel et bien l’effet que ce jeu vidéo a eu sur de jeunes joueurs. Son concepteur, Epic Games, devra donc se défendre d’un procès en action collective déposé en octobre 2019 par Calex Legal au nom de trois parents québécois de joueurs mineurs, a tranché le juge Sylvain Lussier le 8 décembre 2022.
Les trois parents reprochaient à Fortnite et à Epic Games, qui a ouvert un important studio à Montréal en octobre 2018, « de créer une dépendance au jeu [comparable] à celle que peut créer l’héroïne ou la cocaïne », peut-on lire dans la décision. Les symptômes de cette dépendance sont longuement décrits et incluent « des migraines, des douleurs dorsales et cervicales, des manquements à l’hygiène de base, des troubles du sommeil ainsi que des troubles sociaux importants ».
« Plusieurs joueurs auraient développé des problèmes tels qu’ils ne mangent pas, ne se douchent pas et ne socialisent plus », résume-t-on. La Presse donne plus de détails sur le raisonnement du juge québecois ici.
Tous les joueurs Québecois accros à Fortnite peuvent rejoindre l’action en justice
L’action collective est autorisée au nom de toutes les personnes physiques domiciliées au Québec qui auraient développé une dépendance à Fortnite depuis le 1er septembre 2017.
On y ajoute tous les mineurs qui ont acheté des V-Bucks, la monnaie interne au jeu, achetée avec de la vraie monnaie, qui donne accès à des “skins” ou habits et des ” Battle Pass”. Les trois parents et leurs avocats demandent des dommages et intérêts, ainsi que des dommages punitifs qui devront être établis, et le remboursement de tous les achats de joueurs mineurs qui se sont procuré des V-Bucks. Epic Games a d’ailleurs conclu en avril dernier une entente de 26,5 millions US en Caroline du Nord liée aux achats de cette monnaie virtuelle par des mineurs.
La Psychologie et l’UX au service de l’attractivité de Fortnite et autres jeux vidéo “gratuits”
Tech for Good Canada avait eu la chance de réunir quatre expertes franco-canadiennes en cyber-dépendance, dont Alessandra Esposito-Chartrand, du cabinet Calex Legal à l’origine du procès, le 21 octobre 2020. Découvrez sur cette page de notre site une présentation des intervenantes, et ici sur You Tube un résumé vidéo et une retranscription vidéo complète de ce salon citoyen.
Ecoutez aussi une retranscription audio de “Réseaux sociaux et jeux vidéo, la dépendance programmée“, ici dans le cadre du podcast Derrière nos Ecrans.
J’ai également eu le privilège de parler tout récemment à Celia Hodent, une ancienne designer UX (expérience utilisateur) chez Fortnite, dans le cadre du podcast Derrière nos Ecrans, qui veut décrypter l’impact du numérique sur nos vies quotidiennes.
Cette Docteur en psychologie et en fonctionnement de notre cerveau, aujourd’hui consultante indépendante, commente lors de notre entretien un de ses livres, Dans le Cerveau du Gamer, et fait part des tiraillements entre améliorer l’expérience utilisateur d’un jeu vidéo et générer un profit maximal pour un éditeur de jeux en ligne.
Retrouvez mon entretien avec Celia Hodent, en podcast/balado ici. Abonnez-vous à l’émission sur les grandes plateformes de podcast: Apple, Google, Spotify ou Deezer.
Eduquer les plus jeunes au risque de dépendance à Fortnite et autres jeux ” free to play”
Ce procès confirme notre conviction depuis la fondation de Tech for Good Canada: il est essentiel d’éduquer en classe et lors de campagnes d’information publiques les enfants, adolescents et jeunes adultes sur le risque de dépendance aux médias numériques que sont les jeux vidéo et réseaux sociaux. Les parents et éducateurs doivent eux-aussi être mieux informés de ce risque. Ceci tant qu’il n’y aura pas de régulation efficace du secteur des médias numériques au même titre que les autres médias plus mûrs que sont la télévision, la radio, et le cinéma.